Rodolphe Robin, le responsable du Master en Langues Étrangères Appliquées, parcours « Amérique latine et péninsule Ibérique » - ALPI, à l’Université Rennes 2, forme des étudiants depuis plusieurs années à la gestion des entreprises internationales. Son parcours, marqué par de nombreuses expériences à travers le monde, notamment en Amérique latine, lui confère une expertise qu'il partage aujourd’hui avec les étudiants de notre Master, et avec passion. Ses études universitaires, cherchaient déjà à apporter une réponse à la manière de renforcer les liens entre les entreprises françaises et le marché latino-américain, convaincu que cette région représentait et représente toujours, des opportunités stratégiques pour les deux régions.
Le Master ALPI est une formation qui forme de futurs experts en commerce international, avec une spécialisation sur l’Amérique latine et la péninsule Ibérique. Grâce à une proposition de cours immersifs, des partenariats universitaires internationaux, des partenariats avec des entreprises et organisations internationales, une attention particulière portée à l’inter-culturalité, ALPI se distingue dans le paysage français des Masters en Commerce International. Il s’agit d’un tremplin après une Licence, pour les étudiants désireux de se spécialiser dans les échanges économiques et politiques, transatlantiques. Grâce à l’engagement de M. Robin et de l’équipe pédagogique toute entière, le Master ALPI contribue à l’insertion professionnelle des étudiants, mais également au développement de relations durables entre l’Europe et l’Amérique latine, un objectif central de cette formation.
Cet article prendra la forme d’une interview pour mieux découvrir le parcours inspirant et les perspectives de Rodolphe Robin, mais aussi pour en savoir plus sur le Master ALPI.
Parcours et inspiration
1) Monsieur Robin, qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans le domaine de l'enseignement supérieur, en particulier dans un programme comme le Master ALPI?
“C’est la conjugaison de plusieurs facteurs : une volonté de contribuer au développement économique des entreprises françaises à l’international ; un intérêt aigu pour trois langues du continent américain (espagnol, portugais et anglais) ; et l’influence de trois professeurs, tous spécialistes de l’Amérique latine, que j’ai eu en cours et qui m’ont permis de comprendre les enjeux de cette région.”
2) Quelles expériences personnelles ou professionnelles ont le plus façonné votre approche de l'enseignement et de la gestion de ce Master ?
“En termes d’approche de l’enseignement, c’est-à-dire de méthodes pédagogiques, j’ai été fortement inspiré par les méthodes de l’Universidad de Puerto Rico, où j’ai eu la chance d’étudier. Il s’agit d’une approche de l’enseignement inspirée des Universités des États-Unis, mais adaptée à une réalité latino-américaine. L’enseignement des langues étrangères, le travail personnel des étudiants, la relation de l’université avec le monde socio-économique sont abordés par l’UPR d’une manière très pertinente qui m’a effectivement beaucoup inspirée.
J’ai également étudié à l’Université Gama Filho de Rio de Janeiro puis, travaillé dans des entreprises à Bouaké (Côte d’Ivoire), à Saint-Domingue (République dominicaine), à San Juan (Porto Rico), à Quito (Équateur), à San Diego (CA, États-Unis). J’ai mené des recherches de terrain à Brasília, São Paulo, Curitiba et Porto Alegre au Brésil, à Montevideo, à Buenos Aires, à Bruxelles. Toutes ces expériences orientent fortement ma vision des relations UE/ALC, mon approche de l’enseignement et la gestion du Master.”
3) Y a-t-il eu un événement marquant dans votre parcours qui a influencé vos choix de carrière ?
“Oui, le XVIIIe Sommet du Groupe de Rio. Il s’est tenu en novembre 2004 dans l’hôtel Sofitel Rio de Janeiro où je travaillais. Dans le cadre de cette mission, j’ai rencontré quelques chefs d’État latino- américains qui ont pris le temps de discuter avec moi des enjeux qui étaient ceux de l’Amérique latine. En parallèle, je découvrais les enjeux des entreprises françaises en Amérique latine, grâce à ma mission au Sofitel de Rio de Janeiro. J’ai ensuite entrepris des recherches de doctorat plutôt que de poursuivre dans le secteur privé comme me l’y avaient préparé mes études de Master.”
Rencontre avec le Président du Brésil, M. Luis Inacio Lula Da Silva, son épouse
Mme. Marisa Letícia Lula da Silva et le chef cuisinier du Sofitel, M. Roland Villard
- 2004 -
4) Si vous le souhaitez, pourriez-vous nous décrire votre parcours avant de prendre les rênes du Master ? Pourriez-vous nous parler de votre parcours d’étude, de votre thèse ou bien encore de votre doctorat ?
- DUT Techniques de commercialisation
- Licence LEA en Commerce International
- Master 2 en Management
- Doctorat LEA, en Études latino-américaines
“Il s’agit d’un parcours universitaire dédié à l’international, au fonctionnement des entreprises et aux expériences professionnelles à l’étranger. De manière tout à fait logique, avec mon directeur de thèse, nous nous sommes intéressés à un sujet qui prenait en compte ces trois aspects : « Genèse du projet d’accord d’association inter-régionale sui generis entre le Mercosud et l’Union européenne : 1999 – 2011 ». Le projet est toujours en négociation aujourd’hui et je continue d’observer ce processus.”
Vision et ambitions pour le Master
1) Quelle est votre vision à long terme pour le Master ALPI ? Y a-t-il des projets ou des axes de développement que vous aimeriez explorer ?
“Tout d’abord, il faut préciser que le Master est une grande équipe. Nous avons dans le Département LEA de l’Université Rennes 2, 5 parcours de Master, dont ALPI, et c’est toute une équipe pédagogique qui travaille à l’existence de notre formation en proposant des projets, des pistes à explorer, sur le court et moyen terme. ALPI, comme la plupart, est une formation de Master, en perpétuelle évolution.
Pour mentionner quelques projets qu’il serait intéressant d’explorer, à long terme, je noterai :
- L’Alternance
- La Bi-diplomation avec d’autres Master en Commerce International à l’étranger.
- L’ouverture au sud des États-Unis
- L’extension de nos relations avec les entreprises, les « business France »
- Le développement de la recherche et des contrats doctoraux CIFRE
- La création d’entreprise"
2) Aviez-vous identifié des défis particuliers auxquels le Master était confronté avant et au moment de votre arrivée ?
“Avant 2010, il était possible d’étudier le commerce international et l’Amérique latine à l’Université Rennes 2, en LEA, au niveau Licence, mais pas en Master. Le premier défi aura été de proposer une poursuite d’étude à certains étudiants de Licence. Ce projet a été porté par Mme. Janie Larroquette, Maître de Conférence en Études latino-américaines, aujourd’hui à la retraite, et qui a assumé la direction du Master ALPI de 2010 à 2012.
Janie Larroquette
L'autre défi que Mme. Larroquette a eu à relever est la dimension internationale du Master et le semestre 10 obligatoire dans une université partenaire. Ce défi en est encore un aujourd’hui. Il faut convaincre les partenaires de l’existence d’un partenariat spécifique avec notre formation pour garantir des places aux étudiants, renouveler constamment le nombre de partenariats en fonction du nombre d’étudiants et avoir des solutions de secours pour pallier toute difficulté : pandémique, climatique, social, etc.
Les défis ont été, et restent nombreux. Mais c’est ce qui constitue l’intérêt de la mission.”
3) Si vous deviez choisir un changement significatif à apporter au programme aujourd’hui, lequel serait-il ?
“Il concernerait l’introduction de l’alternance, aux côtés du stage, comme choix possible pour les étudiants de M2. L’alternance est un dispositif proposé par l’État, pour favoriser l’insertion professionnelle des étudiants, en lien avec les organismes de formation. Les entreprises sont nombreuses à jouer le jeu et à avoir remplacé leurs stagiaires par des alternants. Si ce dispositif contenu d’être soutenu par l’État et par les entreprises, dans les années qui viennent, il faudra nous positionner sur cette question lors de la prochaine actualisation de la maquette pédagogique.”
Pédagogie et gestion
1) Quelles sont les valeurs fondamentales que vous souhaitez transmettre aux étudiants du Master ALPI ?
Les étudiants diplômés du Master ALPI sont les futurs acteurs de la relation Europe – Amérique latine Caraïbe. Il est important de veiller à former de futurs acteurs qui œuvreront pour la durabilité de la relation entre les deux régions, d’un point de vue économique et diplomatique. Mais également d’un point de vue social et environnemental. Nous n’avons jamais eu de mauvaises relations entre, l’Amérique latine et la Caraïbe d’une part et l’Union européenne, d’autre part. Tout l’enjeu consiste à faire en sorte que cela continue. Cela implique, en effet, de pouvoir compter sur des acteurs, des étudiants, qui portent un intérêt particulier à certaines valeurs comme le respect, la différence, la compréhension.
Nous prêtons une attention particulière à ces valeurs fondamentales lorsque les candidats au M1 ALPI exposent leurs projets professionnels. Ces valeurs sont recherchées puis développées ensuite dans les cours de langues étrangères et dans certains cours spécifiques.
2) Comment voyez-vous votre rôle auprès des étudiants ? Plutôt comme un guide, un intermédiaire, un mentor ?
“Au-delà des cours que j’enseigne, mon rôle auprès des étudiants est celui d’un intermédiaire. Un intermédiaire entre étudiants et entreprises à la recherche de compétences spécifiques pour développer leurs activités outre Atlantique ; un intermédiaire entre les étudiants et les différentes entités de l’Université Rennes 2 qui jouent un rôle dans le fonctionnement de la formation : équipe pédagogique, Unité de Recherche, DRI, SUIO-IP, Dpt. LEA, UFR Langues, DEVU, etc.”
3) Pour vous, quelle est la compétence la plus cruciale que les étudiants doivent acquérir avant d'entrer sur le marché du travail ?
“Il en faut certainement plusieurs. La concurrence est importante et elle est encore plus difficile pour les nouveaux diplômés. Le Master enseigne plusieurs compétences et celles-ci correspondent à la fiche RNCP34101 du Répertoire National des Certifications Professionnelles.
Mais il y a parmi celles-ci des compétences qui permettent de faire tout de suite la différence dans les processus de recrutement : le plurilinguisme, la compréhension de la zone étudiée, la prise d’initiative, la mobilité géographique, etc. Ces compétences sont enseignées en cours de langue, de géopolitique, de stratégie, de gestion de projet et la mobilité est développée à travers les stages et le
semestre à l’étranger. Pouvoir communiquer avec l’étranger et comprendre ce qu’il s’y passe est une compétence très recherchée par les entreprises. ”
4) Quel conseil donneriez-vous aux futurs étudiants qui souhaitent intégrer le Master ALPI ?
“Je recommande de partir découvrir la zone ALPI, en Licence, dans le cadre d’un stage, d’un échange, d’une césure ou de tout autre projet. D’une part, cela permet d’accroitre ses chances de sélection et d’autre part, cela permet de savoir si on a envie de se spécialiser pendant deux ans sur cette région géographique.”
Perspectives sur l’Amérique latine et la péninsule Ibérique
1) Quel aspect de l’Amérique latine et de la péninsule Ibérique vous passionne particulièrement ? Un aspect culturel, économique, politique ?
"Il est difficile de dissocier ces trois dimensions, tant elles sont liées et forment un tout. Pour répondre à votre question, je dirais simplement que j’utilise des outils académiques pour trouver des réponses à des questions politiques et économiques alors que j’adopte une approche personnelle, non normée, pour trouver des réponses dans le domaine culturel. Les méthodes diffèrent, mais mon intérêt pour l’Amérique latine est pluridisciplinaire. En ce sens, il est le résultat de ma formation universitaire (LEA) qui l’a été également."
2) Avez-vous un projet, un auteur, ou un lieu en Amérique latine ou en Espagne qui vous a particulièrement marqué ?
Un projet : “Le dernier projet est souvent le plus enthousiasmant. Depuis cet été 2024, nous collaborons avec la CCI française de Quito en Équateur, dans le cadre d’un projet de partenariat. Le projet implique une dizaine d’étudiants et l’objectif est d’introduire les producteurs de cacao équatoriens sur le marché français du chocolat.”
Un auteur : “Eduardo LALO est un auteur portoricain qui a gagné le prix Rómulo GALLEGOS avec un roman qui dénonce l’invisibilité de Porto Rico sur la scène internationale. C’est également un collègue de l’UPR avec qui nous avons développé plusieurs projets pour rendre plus visible en Bretagne, ce territoire des grandes Antilles. Depuis 2012, 23 étudiants du Master ALPI ont étudié à l’UPR, 2 partent le semestre prochain, une vingtaine au niveau de la Licence LEA depuis 2012.
Bien entendu, nous recevons aussi des étudiants de l’UPR dans le cadre de la réciprocité de l’accord et certains de nos étudiants vivent aujourd’hui à Porto Rico. Cette collaboration contribue à l’accroissement de la visibilité de Puerto Rico en France, au développement des relations économiques entre nous et le rôle d’Eduardo LALO dans cette grande entreprise est indéniable. D’autres contribuent toujours aujourd’hui à cette entreprise : Gustavo Padrón et Carlos Laboy
Javier...”
Un lieu : “Enfin, un lieu qui m’aura « marqué » ? C’est difficile ! J’en mentionnerai deux : Rio de Janeiro et São Paulo, pour leur caractère grandiose, leur dynamisme et leur modernité que l’on ne retrouve pas de la même manière dans les autres capitales du continent.”
3) Pourriez-vous nous parler de la manière dont vous avez créé, dont vous entretenez les relations avec les universités partenaires ?
“Il faut en effet s’assurer que les accords créés existent, c’est-à-dire qu’ils permettent réellement l’échange d’étudiants, de chercheurs, d’enseignants, de personnels administratifs. Il faut veiller à ce qu’ils soient renouvelés lorsqu’ils arrivent à échéance. Dans un Master comme le nôtre, international, avec un semestre obligatoire à l’étranger pour tous les étudiants, nous dépendons très fortement de ces accords et de leur bon fonctionnement. Chaque accord de partenariat avec une université étrangère a un coordinateur institutionnel à l’université Rennes 2 avec qui je peux faire le point régulièrement pour vérifier que le choix des étudiants n’est pas remis en cause. S’il l’est, il faut trouver une solution. Heureusement, je ne suis pas seul à m’occuper de la coordination institutionnelle de tous les accords qui sont proposés dans le Master ALPI.
En ce qui concerne la création d’accords de partenariat nouveaux, il s’agit la plupart du temps du résultat d’un projet de recherche commun entre chercheurs de deux universités. Ce fut le cas avec l’UPR et la UFRJ mis en place en 2012 et 2014. Ce fut le cas également pour les autres partenariats dont j’ai récupéré la coordination après le départ en retraite de mes collègues latino- américanistes. Et c’est le cas actuellement dans le nouvel accord que l’on est en train de négocier avec l’Université de Vigo.”
Regards personnels
1) Enfin, qu'est-ce qui vous passionne dans votre travail en tant que responsable du Master ALPI ?
“Le fait d’être, pour les étudiants, l’étape entre la Licence et le premier emploi ; le fait de donner à connaître des régions dont on ignore, en Europe, le fonctionnement et ; le fait de contribuer au développement économique de la France en formant des étudiants aux compétences dont les entreprises ont besoin.”
2) Et y a-t-il une/des personne(s) qui vous a inspiré dans votre parcours professionnel, que ce soit dans le domaine académique ou personnel ?
“Oui, plusieurs. Ces personnes existent dans tous les parcours professionnels et dans tous les parcours de vie, en général. Elles sont indispensables. Sans leurs conseils, sans leur soutien, sans leur partage de connaissances, on ne pourrait rien appliquer, rien faire évoluer, ou rien transmettre. Dans mon cas, ces personnes sont très nombreuses.
Pour ce qui est du cas particulier du Master ALPI, les personnes qui ont été une source d’inspiration pour que la formation soit ce qu’elle est aujourd’hui sont nombreuses. Ils sont même nombreux à travailler ou à avoir travaillé pour que le Master fonctionne, sans que leur nom apparaissent dans l’historique de la formation.”
Je tiens à exprimer toute ma gratitude à Mr. Rodolphe Robin pour le temps précieux qu’il a consacré à répondre à mes questions avec une précision et une générosité remarquables. À travers ses réponses, il a partagé bien plus que son parcours et ses projets pour le Master ALPI : il nous a offert un aperçu de sa passion pour l’enseignement et pour les échanges entre l’Europe et l’Amérique latine. Merci, Mr. Robin, pour ce partage inspirant qui enrichit notre compréhension du rôle et des ambitions de cette formation unique.
Article écrit par Lilou Le Bihan
Comments